Lettre à la revue juive de Lorraine :
Si les années passées s’étaient conclues pour moi sur une note d’optimisme — porté par la conviction que notre Communauté pouvait se renforcer et rayonner à nouveau — c’est parce que je croyais en notre capacité à la faire vivre autour de notre magnifique projet de restauration de la synagogue.
Je m’imaginais alors mobiliser nos adhérents, accueillir chaleureusement nos coreligionnaires en quête d’un lieu de culte, d’un espace pour célébrer les fêtes et les moments familiaux, d’un foyer de partage et de foi.
Je prévoyais de porter haut notre voix, à travers les médias, pour témoigner de la vitalité du judaïsme local, de sa richesse patrimoniale, de son dynamisme. Je rêvais d’ouvrir notre porte aux chercheurs d’histoire, aux cœurs curieux, aux âmes sensibles, à tous ceux que notre message de bienveillance pouvait toucher.
Mais ces espoirs se sont brusquement éloignés depuis le drame du 7 octobre 2023, et plus encore face à l’explosion d’antisémitisme qui s’est ensuivie — une haine déchaînée, présente sur tous les supports de communication, et particulièrement virulente sur les réseaux sociaux.
Aujourd’hui, force est de constater que nul n’est à l’abri. Ni moralement, ni symboliquement, ni même physiquement. La violence et la haine ont franchi tous les seuils, et nous touchent, individuellement et collectivement.
Mais si les espoirs d’un avenir plus rayonnant semblent aujourd’hui caducs, balayés par le tumulte et la violence, il nous reste un devoir que nul ne saurait remettre en question : celui de la mémoire.
C’est dans ce devoir que nous puisons encore sens et dignité. Il nous oblige à transmettre, à témoigner, à inscrire dans la pierre ce que l’histoire a voulu effacer.
À Verdun, cette mémoire a récemment trouvé un nouvel ancrage. Grâce à l’initiative de Sonia ROUSSEAU, cheffe du protocole de notre ville à qui j’adresse ici mes sincères remerciements, la municipalité et plus particulièrement son Maire Samuel HAZARD a été convaincue de poser des Stolpersteine — ces pavés de mémoire, disséminés à même le sol des villes européennes, pour rappeler le nom, la vie, et souvent le destin tragique de celles et ceux qui ont été déportés, assassinés, oubliés.
Ces pavés, que l’on effleure du regard ou du pied, racontent sans bruit ce que d'autres ont tenté de taire. Ils ramènent l’histoire à hauteur d’homme, à hauteur de conscience. Ils inscrivent l’absence dans la présence. Et ils nous rappellent que, même dans les jours les plus sombres, il reste possible d’agir — humblement, mais fermement — pour que la mémoire soit vivante, partagée, et jamais abandonnée.
Ces pavés, désormais ancrés dans le sol de Verdun, portent les noms de celles et ceux que la barbarie a arrachés à la vie, à leur ville, à leur communauté.
Ils s’appellent Anne Gilberte BLUME, Henri SOMMER, Maurice BLACHARZ, Georges BLUME, Suzanne et Pauline DALTROPHE, Emile et Lucie LEVY, Andrée et Marcelle LEVY, David LAKTICHOFF, Zlata WILDMAN, Paul LAKTICHOFF, Rosa KAWA, Leibus WILDMAN, Gurshon Philippe Salomon Frida WILDMAN, Mothe, Eta, Jacques, Armand FRIANDT, Abraham, Chaïa, Ilda, David ISLER, Max Mayer TABAKSMAN
À travers ces quelques lignes, il ne s’agit pas seulement de rappeler leur disparition, mais bien de faire résonner, encore et toujours, la singularité de leurs existences.
La mémoire n’est pas un monument figé : elle est une parole transmise, un nom prononcé, un regard posé.
Aujourd’hui, dans ce contexte trouble où un nouvel antisémitisme se répand sans retenue, parfois même banalisé, il est essentiel de redire que la haine ne peut être une fatalité.
Nous avons le devoir d’y opposer la connaissance, la justice, la dignité et l’humanité.
Et au-delà du devoir, il nous reste aussi le droit.
Le droit de croire encore en un avenir meilleur.
Le droit de souhaiter, avec force mais sans naïveté, qu’un jour la paix revienne.
Que les cœurs s’apaisent. Que la peur recule. Que la mémoire ne soit plus un rempart, mais un pont.
Un pont entre les douleurs d’hier et les espoirs de demain.
La Communauté de VERDUN et de tout le Département, s’associent à moi pour vous souhaiter de bonnes fêtes de Tichri.
Jean-Claude LEVY
Président de la Communauté juive de VERDUN
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